10 ans de la LDCB
La lutte pour la défense des consommateurs va se poursuivre avec plus de vigueur.
La Ligue pour la défense des consommateurs du Bénin (LDCB) boucle cette année, ses dix ans d’existence. Le Président Romain Abilé HOUEHOU fait ici le bilan des nombreuses actions que son association a menées au cours des dix premières années et annoncent un nouveau plan de lutte. Il n’occulte pas d’autres questions brûlantes de l’heure dont la cherté de la vie et la pénurie du ciment.
Propos recueillis par Christian Tchanou / Quotidien Nouvelle Tribune
Nouvelle Tribune : Votre association vient de boucler dix ans d’existence. Quel bilan pouvez-vous nous faire du chemin parcouru ?
Romain HOUEHOU : Dix ans dans la vie d’une association non gouvernementale, comme la LDCB, n’est ni longue, ni peu, car le secteur de la consommation est très complexe. Nous n’avons donc pas la prétention d’avoir tout réglé, loin de là. Mais nous sommes heureux d’avoir contribué à inculquer dans la tête des béninois qu’ils ne doivent plus se considérer comme des citoyens ordinaires, mais de vrais consommateurs qui viennent sur le marché en tant qu’agents économiques. Nous ferons, en tout cas le bilan exhaustif de nos actions à l’occasion de la cérémonie de commémoration des 10 ans d’existence de la LDCB, qui se déroulera ce vendredi au CNCB à Cotonou. Mais il faut déjà, noter qu’au cours de ces dix premières années, nous nous sommes beaucoup plus investis dans des actions d’éducation du consommateur, de plaidoyer auprès des institutions étatiques et partenaires au développement pour une meilleure protection de leur droit. . C’est ainsi que nous pouvons vous annoncer avec beaucoup de joie que notre bataille au niveau de la LDCB a permis aux législateurs de doter notre pays d’une loi sur le droit du consommateur, qui a été promulguée par le Chef de l’Etat en Octobre 2007. Il faut aussi noter que nous avons lutté durement dans le domaine de la représentation des consommateurs auprès de plusieurs instances de prise de décision.
Votre anniversaire intervient dans un contexte social critique, marqué par une cherté récurrente de la vie au Bénin. Comment votre association fait face à cette situation qui suscite tant de grognes dans le pays ?
Romain HOUEHOU : Merci beaucoup pour la question. Je voudrais d’abord rappeler à nos lecteurs que la LDCB fut la première association de consommateurs, à organiser pour la première fois au Bénin une marche alors intitulée, « Marche du changement ». Cette grande manifestation visait à dénoncer la cherté de la vie qui sévissait à l’époque. Et depuis lors, nous n’avons pas baissé les bras face à cette situation tragique que vivent encore au jour d’aujourd’hui, nos paisibles populations. La LDCB la considère comme une situation grave pour les pays en développement , mais qui n’est pas forcement le fait d’une mauvaise gouvernance nationale, mais plutôt ,elle provient d’une gouvernance mondiale. Les vraies causes sont liées aux réformes économiques qui s’opèrent au niveau des multinationales qui veulent concentrer entre les mains le contrôle du marché mondial.
Faudra-t-il alors laisser la situation telle parce qu’elle ne dépend pas de nous alors que nous en subissons les conséquences ?
Romain HOUEHOU : Pas du tout. En tout cas, la LDCB se bat, comme elle peut en vue d’amoindrir les peines des consommateurs. Il est vrai que nous ne faisions qu’avec les moyens disponibles, à savoir, des communiqués de presse ou des conférences, non seulement pour interpeller nos gouvernants, mais également pour faire part des propositions qui sont les nôtres dans la gestion de la crise actuelle. Entre autres, je voudrais vous dire ici, que c’est par rapport à cette cherté de la vie que la LDCB a initié et réalisé, fin 2007, un sondage sur la hausse des prix des produits de grande consommation dans trois grandes zones du Bénin qui sont les plus touchées, à savoir le Nord, le Centre et le Sud. Nous avons alors transmis les résultats de notre enquête au Ministère d’Industrie et du Commerce qui a dû les prendre en compte après dans l’élaboration des mesures du gouvernement face à cette crise.
Comment appréciez-vous alors la mise en application de ces mesures sur le terrain ?
Romain HOUEHOU : Il faut reconnaître que la situation demeure toujours alarmante et reste déplorable, mais l’on doit pouvoir situer les responsabilités. Car si nous avons l’avantage d’avoir un gouvernement qui prend des décisions salutaires, les autres partenaires, au nombre desquels, les opérateurs économiques ne participent pas toujours à leur mise en œuvre. Voilà le vrai problème. Il est important, en tout cas qu’on devienne tous de vrais citoyens si nous voulons être tous heureux dans le pays.
D’aucuns accusent souvent les associations de consommateurs d’être inefficaces, voire complices avec les autorités étatiques face à de telles crises ?
Romain HOUEHOU : Vous savez, les critiques font avancer tout système qui se propose d’œuvrer pour la grande marche du développement. Comme vous l’avez pu observer, nombreuses étaient les critiques faites à la LDCB, à la suite de la désignation d’un de ses membres pour siéger au sein de l’Autorité Transitoire de Régulation des Postes et Télécommunications (ATRPT) au Bénin…
Mais, les gens ignorent que si le Président de la LDCB est membre de cette institution, c’est au regard des activités que la ligue a menées pendant longtemps dans le cadre de l’assainissement et la bonne gestion du secteur des télécommunications au Bénin. Souvenez-vous qu’en 2001, c’est encore la LDCB qui fut la première organisation de la société civile à lancer au cours d’un atelier le débat sur la nécessité d’instituer cette autorité régulation des télécommunications au Bénin. Et je dois préciser aussi que les principes directeurs des Nations-Unies portant protection des consommateurs demandent expressément à tous les Etats membres de donner l’occasion aux consommateurs d’exercer leur droit à la représentation. C’est à travers la mise en œuvre de ce principe que nous sommes aujourd’hui à l’autorité de régulation et ailleurs, mais la LDCB n’a pas pour autant cessé de fonctionner.
Que pensez-vous de la pénurie du ciment qui suscite depuis peu beaucoup d’indignations dans le pays ?
Romain HOUEHOU : C’est une situation que la LDCB déplore de façon objective. Nous regrettons que les consommateurs béninois soient obligés de subir ce déséquilibre au niveau de l’offre du ciment sur le marché national. Mais une analyse faite aujourd’hui montre que le Bénin est en chantier en vue d’être doté de nouvelles et importantes infrastructures de développement et d’utilité publique. Ce qui malheureusement, prive les consommateurs individuels d’avoir suffisamment du ciment pour leurs besoins personnels. Le vœu que nous formulons à l’endroit du gouvernement est d’autoriser tous les opérateurs qui le désirent importer du ciment de le faire et d’encadrer le prix, de façon à ce que aussi bien, les producteurs, les importateurs et les consommateurs, y trouvent tous leur compte.
Après dix ans d’existence, ne pensez-vous pas qu’il faut réorienter et mûrir davantage vos actions pour un mieux être des consommateurs béninois ?
Romain HOUEHOU : Nous y avons pensé et nous y travaillions déjà. Nous rendrons publique bientôt un plan stratégique de développement des activités de la LDCB sur la période 2008-2012. Il se résume en quatre grands axes, à savoir, mener efficacement des campagnes sur les grandes questions de consommation auxquelles les béninois sont confrontés ; agir en faveur de l’appropriation par les béninois, de la nouvelle loi nationale portant protection du consommateur ; rapprocher les service et actions de la LDCB des collectivités décentralisées, puis enfin, rendre plus professionnels, le fonctionnement et les actions de la Ldcb. La lutte pour la défense des consommateurs va se poursuivre avec plus de vigueur. J’invite pour ce faire, tous les béninois à croire au mouvement consommateur, à croire à la LDCB et à être solidaires à ses actions. Je les invite également à demeurés critiques, mais responsables, car défendre les consommateurs n’est pas une chose aisée. Le mouvement consommateur a commencé aux Etats-Unis dans les années 1960, et les problèmes liés à ce secteur continuent d’exister dans ce pays, tandis qu’au Bénin, notre expérience en la matière date seulement de 1990. Par conséquent, nous sommes encore loin d’avoir derrière nous, nos problèmes de consommation. Je voudrais pour finir cet entretien remercier tous les partenaires qui nous ont accompagnés dans nos actions de protection des consommateurs tout au long des dix (10) dernières années.